Raoul UBAC : Les livres illustrés

— par Christian NICAISE (L'Instant perpétuel, 2006)

 

 

Christian NICAISE. Raoul Ubac : Les livres illustrés
Rouen, L’Instant perpétuel, août 2006.
24 pages, 21 x 15 cm, broché.
ISBN 2-905598-96-4
E.O.

Bibliographie très détaillée des livres illustrés par Raoul Ubac, précédée d'un hommage fervent de l'auteur au peintre sculpteur d'ardoises, ce livre s'adresse à tous les amateurs de littérature et d'art contemporain, ainsi bien sûr qu'aux bibliophiles.

prix public : 75 euros



 

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Hommage à Raoul Ubac

Ayant passé le meilleur de ma vie au ventre des bibliothèques, parmi ces gisements de pliages sophistiqués qui emprisonnent la nuit matricielle ponctuée de lumières falotes, et le silence relatif qui gît en ces entrailles,
songeant avec Mallarmé que "tout, au monde, existe pour aboutir à un livre",
je rends hommage à celui qui continue de feuilleter dans sa nuit le livre de pierre que la nature lui tend, Ubac magnifique en sa forêt native, qui scrute sans cesse l’ardoise bleue de ses Ardennes, les schistes de ses Fagnes, ouvrant comme par enchantement, "par un coup sec donné sur sa tranche", le fameux livre de pierre aux milliers de pages, épousant toujours ses lignes de clivage, faisant mine de se laisser conduire — "le clivage assigne au matériau ses limites (...) à chaque instant l’ardoise tend à retrouver son horizontalité primitive" — mais toujours tirant la leçon de ce surprenant tête à tête, conservant sur papiers très légers les empreintes des paysages subtils qu’il aura rencontrés, surtout repoussant toujours plus loin la contrainte première, taillant les plans selon des angles inédits, redressant l’horizontalité primitive d’une dalle d’ardoise, lui enseignant la verticalité des arbres et des hommes, l’érigeant, la bandant, grande Stèle thème de l’arbre ou petite stèle de Nancy, toutes à l’assaut du ciel, allant et nous menant à l’essentiel en sa nudité, signes de la Présence en son perpétuel instant.

Christian Nicaise




Raoul UBAC : Notes pour une biographie

— par Christian NICAISE (Ed. L’Instant perpétuel, 2006)


 

Christian NICAISE. Raoul Ubac : Notes pour une biographie
Rouen, L’Instant perpétuel, août 2006.
24 pages, 21 x 15 cm, broché.
ISBN 2-905598-97-2
E.O.

 

prix public : 36 euros

De la photographie surréaliste à la taille de l’ardoise, un itinéraire de la vie et de l’œuvre de Raoul Ubac (1910-1985), précédé d’un Hommage à Raoul Ubac.
Ce livre s’adresse à tous les amateurs d’art contemporain.



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Note sur l’ardoise

Pierre rêche, peu disposée à se plier à toutes les fantaisies, l’ardoise est un matériau ingrat entièrement dominé par le clivage qui le caractérise.

Une dalle d’ardoise est constituée par l’assemblage, ou mieux, la compression d’un nombre infini de feuilles superposées ; un livre de pierres aux milliers de pages qui s’ouvrirait comme par enchantement par un coup sec donné sur sa tranche.

Ainsi le clivage assigne au matériau ses limites au-delà desquelles il se refuse à adopter certaines formes car à chaque instant l’ardoise tend à retrouver son horizontalité primitive.

Raoul Ubac




 

Olivier DEBRE : Les livres illustrés

— par Christian Nicaise (L'Instant perpétuel, 2010)


 

Christian NICAISE. Olivier Debré, les livres illustrés

Rouen, L’Instant perpétuel, août 2010.
32 pages, 21 x 15 cm, broché.
ISBN 2-915848-12-2

Edition originale.


Exemplaires courants : 45 euros


Bibliographie très détaillée des livres illustrés par Olivier Debré, le maître de l'abstraction fervente, ce livre s'adresse à tous les amateurs de littérature et d'art contemporain, ainsi bien sûr qu'aux bibliophiles.

Avant-propos de Christian Nicaise : Olivier Debré, les livres et la ferveur.



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À un moment donné, quelque chose se fige dans la matière même, et c'est la réalité de l'émotion, et c'en est fait de moi — moi qui ne suis vivant qu'autant que cette émotion est en moi... Il y a une espèce d'imbrication entre une atmosphère mentale et une atmosphère réelle, et à partir de là je suis ce que je vois, puis la vue se renverse en moi... On est toujours en soi et hors de soi. Comme une vapeur. La rencontre d'une forme crée ma propre forme. Je peins dans l'émotion d'une réalité qui m'engendre moi-même...

Olivier Debré




Je me défends d'être un paysagiste. Je traduis l'émotion qui est en moi devant le paysage... Ce n'est pas ma volonté qui intervient, mais l'émotion qui me domine. Je ne suis sincère que dans le choc, l'élan.

Olivier Debré



Peindre comme le fait Olivier Debré, c'est fixer une relation dans l'instant même où l'émotion l'imprime dans l'espace intérieur, et c'est exprimer conjointement l'espace ému et la trace qui émeut.

Bernard Noël


Point d'intermédiaire entre ce peintre et la nature, entre la nature et l'univers, entre l'univers et lui-même, mais une réciprocité de paroles dont les prolongements ne sont que dénonciations et rejets des limites.

Edmond Jabès




Olivier Debré, les livres et la ferveur



“On est toujours en soi et hors de soi.”

Cette évidence rappelée par Olivier Debré, même si elle concerne le mécanisme de l'émotion,  peut éclairer le double mouvement qui toujours porta le peintre de l’ abstraction fervente à peindre sur le motif, activité de plein air, au contact de la nature, en communion avec l’univers, et à illustrer des écrivains parmi les plus importants de son temps : Francis Ponge, Pierre Torreilles, James Sacré, Jean-Clarence Lambert, Bernard Noël, Edmond Jabès, Michel Butor, Paul Valéry, Guillevic, Julien Gracq, Michel Déon et quelques autres.

“Je me défends d’être un paysagiste. Je traduis l’émotion qui est en moi devant un paysage... Ce n’est pas ma volonté qui intervient, mais l’émotion qui me domine. Je ne suis sincère que dans le choc, l’élan.” — “Je peins dans l’émotion d’une réalité qui m’engendre moi-même.” explique-t-il.

En fait, si Debré — peintre abstrait — va peindre sur le motif, alors qu’il n’est précisément pas dans la figuration — la chose pourrait paraître absurde — c’est qu’il va sans cesse au-devant de cette nature qui va provoquer les émotions qu'il peint. On comprend ces échanges — car c’est bien d’échanges qu’il s’agit — entre le peintre et le monde, dans un espace dont les limites sont incessamment remises en causes : “Point d’intermédiaire entre ce peintre et la nature (...) mais une réciprocité de paroles dont les prolongements ne sont que dénonciations et rejets des limites.” écrit Edmond Jabès.

Dans le cas des livres illustrés, il est probable que pour le peintre le texte remplace le motif.

Qu’il s’agisse d’interventions ponctuelles (un frontispice, comme dans Regard dedans de Claude Margat, éventuellement accompagné d’une planche intérieure, comme dans Pour les simples de Franck-André Jamme), de gravures destinées à un numéro de revue ou à un catalogue d’exposition, d’une participation à des ouvrages collectifs comme El Tretze Vents (1983), ou de travaux d’envergure et de longue haleine accompagnant les écrits d’amis écrivains, Bernard Noël, Jean-Clarence Lambert, Edmond Jabès, Michel Butor, etc. —  plus besoin de sortir, Olivier Debré grave, ou dessine sur la pierre lithographique son émotion devant un texte. Le texte est désormais source de l’émotion. Générant des livres auxquels le peintre impose son rythme, comme avec cette eau-forte non encrée, dans Pratique de la poésie de Pierre Torreilles, que l’on perçoit comme un silence en musique ; ou plus encore, des livres dans la conception desquels Olivier Debré s’implique pleinement. C’est le cas de Mu-Tei de Jean-Clarence Lambert, avec son ingénieux système de feuillets qui, se dépliant tantôt verticalement tantôt horizontalement, “soumettent la lecture à des variations rythmiques” (Emmanuel Pernoud).

Deux espaces donc : celui du dehors et celui du dedans.
L’activité de plein air — la peinture abstraite dans la ferveur du motif —, et l’activité d’intérieur — créer un rythme pour le livre, dans la ferveur du texte.
Dans les deux cas, pour paraphraser Edmond Jabès, une “réciprocité de paroles” s’établit entre l’espace intérieur d’Olivier Debré et ce qui l’émeut, le meut, et l’engendre — à la recherche de rythmes capables de repousser les limites de ces différents espaces.

 

Christian Nicaise